Michaël Séguin est professeur adjoint à l’Université Saint-Paul et directeur de l’École de leadership, d’écologie et d’équité à Ottawa. Il est sociologue des relations ethniques de formation et il se spécialise en élaboration de politiques et de stratégies visant à favoriser l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) au sein d’organismes sans but lucratif, notamment les organismes d’établissement et les établissements d’enseignement supérieur. Dès ses recherches doctorales de base, où il s’est penché sur les dimensions cognitives du colonialisme de peuplement israélien et ses répercussions sur la représentation des Palestiniens et Palestiniennes, son voyage intellectuel a été empreint d’un engagement inébranlable envers la justice sociale, qu’il apporte aujourd’hui à ses activités actuelles dans le domaine de l’EDI.
De Rigaud à la Terre sainte : Un parcours vers la justice
Fils de producteurs laitiers qui a grandi dans les paysages agricoles de Rigaud, au Québec, Michaël Séguin a cheminé jusqu’au milieu universitaire d’Ottawa, un parcours qui témoigne du pouvoir transformateur de l’exploration et de l’évolution intellectuelle. À la recherche de pistes à explorer, M. Séguin s’est trouvé attiré vers le monde de la religion, en particulier le catholicisme romain, au cours de ses années de formation à Rigaud.
Sa quête de compréhension l’a amené à entrer dans une congrégation religieuse à Montréal pendant qu’il poursuivait ses études de premier cycle en théologie. Toutefois, la curiosité intellectuelle de M. Séguin l’a poussé à changer de cap pour découvrir une vision du monde plus vaste, embrassant des points de vue variés et des horizons élargis. Après son baccalauréat en théologie, sa trajectoire universitaire a pris un tournant décisif lorsqu’il s’est inscrit au programme de maîtrise en études religieuses de l’Université de Montréal.
C’est dans cette riche mosaïque de voix laïques de diverses origines religieuses que s’est enflammée la fascination de M. Séguin pour les complexités du conflit israélo-palestinien. Son voyage en Terre sainte l’a exposé aux dures réalités de l’agitation politique et de l’occupation militaire, ce qui l’a incité à remettre en question ses idées préconçues, à réévaluer à fond sa vision du monde et à délaisser ses études religieuses en faveur de la sociologie lorsqu’il a entrepris des études doctorales.
En 2012, le parcours universitaire et le parcours personnel de M. Séguin se sont croisés de façon inattendue lors d’une conférence tenue en Tunisie, où il a rencontré sa future épouse, une immigrante du Maroc qui s’est installée par la suite au Canada. Événement charnière dans la vie de M. Séguin, leur relation a aussi approfondi sa compréhension de l’expérience des personnes immigrantes, attisant sa passion pour l’alliance inclusive et la défense des intérêts.
En comparant les contextes israélien et québécois, M. Séguin a observé des inégalités systémiques, en particulier l’islamophobie au Québec, qui ont galvanisé son intérêt pour la recherche en EDI. Cet intérêt s’est surtout manifesté pendant son postdoctorat à HEC Montréal, tandis qu’il cherchait à éclaircir les complexités de la gestion de la diversité dans le contexte québécois.
Le défenseur des intérêts en milieu universitaire
La passion de M. Séguin sur le plan professionnel émane du croisement entre le militantisme et le monde universitaire, où il se trouve privilégié de contribuer aux initiatives de justice sociale. M. Séguin chérit l’autonomie que lui confère la liberté universitaire, grâce à laquelle il peut mener des activités de recherche et d’enseignement conformes à ses valeurs, animé par son profond engagement en matière de défense des intérêts.
Assumant le rôle de directeur d’école le 1er mai, M. Séguin y voit une occasion de favoriser la collaboration et le dialogue entre des personnes aux points de vue variés. Il croit que, par la réunion d’une diversité de voix, la sagesse collective acquise peut mener à des décisions plus éclairées et plus durables qui tiennent compte des besoins de toutes les parties prenantes.
Bien que ses activités érudites consistent à lire et à rédiger des articles, M. Séguin reconnaît que l’apprentissage transformateur passe souvent par l’action et la pratique. Dans le milieu des études sur l’EDI et le leadership au sein d’un établissement catholique (l’Université Saint-Paul), M. Séguin doit relever des défis aux multiples facettes, qui consistent notamment à gérer les enjeux liés à la diversité sexuelle, à l’inégalité de genre et au pluralisme religieux et à créer des environnements inclusifs pour les gens de divers milieux.
Dans tous ses efforts visant à façonner un environnement universitaire qui honore les traditions intellectuelles catholiques tout en ouvrant des espaces sûrs pour les groupes qui ont toujours été marginalisés, M. Séguin insiste sur l’importance du dialogue et de la collaboration. En misant sur des points de vue différents et des expériences diverses, M. Séguin envisage une communauté universitaire où l’inclusion, l’empathie et la compréhension commune sont des sources d’épanouissement.
M. Séguin met en évidence l’influence omniprésente qu’exerce la dynamique du pouvoir au sein des organisations, en soulignant le fait que, dès l’arrivée dans une pièce ou une organisation, une culture du pouvoir devient évidente. Il fait observer que ce n’est pas tout le monde qui peut participer de façon égale, car certaines personnes ont une voix plus forte ou comprennent mieux les règles du jeu. En reconnaissant ces déséquilibres de pouvoir, M. Séguin affirme qu’il devient impossible de poursuivre le travail comme si de rien n’était. Malgré l’égalité théorique enchâssée dans les lois, les expériences pratiques révèlent souvent des disparités dans le traitement des gens et les possibilités qui leur sont offertes.
Pour remédier à ces disparités, il faut adopter une approche nuancée. M. Séguin croit que les chefs de file et les décisionnaires doivent reconnaître le caractère tout à fait particulier de chaque situation, écouter leur personnel et adapter leurs stratégies en conséquence. Les organisations peuvent favoriser un milieu plus axé sur la confiance et l’inclusion en reconnaissant les différences de pouvoir et en créant un espace où toutes les voix peuvent se faire entendre. M. Séguin reconnaît toutefois les obstacles inhérents à la mise en œuvre de tels changements, mentionnant que c’est plus facile à dire qu’à faire.
M. Séguin souligne l’importance de la persévérance face au refus et à la résistance. En reconnaissant les problèmes et en s’y attaquant ouvertement, les organisations peuvent créer un milieu plus durable où les gens se sentent valorisés et compris. Il estime qu’il est primordial de favoriser un sentiment d’appartenance et de sécurité chez les employés pour qu’ils puissent s’investir pleinement dans leur travail.
En définitive, M. Séguin croit qu’il est essentiel tant au bien-être individuel qu’à la réussite organisationnelle de créer un milieu de travail où les employés sentent que leurs contributions sont utiles. Il met en garde contre les dangers qui guettent une organisation quand ses employés ont l’impression que leur travail est vide de sens : l’insatisfaction qui s’installe risque alors d’en compromettre la mission. De l’avis de M. Séguin, pour les organisations qui visent à prospérer dans le paysage complexe d’aujourd’hui, c’est non seulement une obligation morale, mais aussi une nécessité stratégique de s’attaquer aux déséquilibres de pouvoir et de favoriser l’inclusion.
Le point de vue de M. Séguin sur le conflit israélo-palestinien
Les réflexions de M. Séguin sur le conflit israélo-palestinien offrent une piste de compréhension approfondie de la crise humanitaire qui sévit actuellement à Gaza. M. Séguin précise que la crise est d’origine purement humaine et qu’elle est entièrement évitable, d’où son caractère tout à fait tragique. Cette crise, explique-t-il, est le résultat d’une longue histoire de colonialisme de peuplement qui remonte à plus d’un siècle. Du mandat britannique aux perspectives actuelles, la situation reflète l’histoire coloniale de pays comme le Canada, les États-Unis et l’Australie.
La question du colonialisme de peuplement sioniste, affirme M. Séguin, est au cœur du conflit. Le colonialisme de peuplement consiste à déplacer des populations autochtones pour faire place à des pionniers et à de nouveaux arrivants – un récit qui se déroule dans diverses parties du monde, y compris au Canada, et qui aide à comprendre le processus continu de dépossession du peuple palestinien.
M. Séguin souligne l’importance de reconnaître le passé colonial du Canada et ses répercussions continues sur les populations autochtones. Il insiste sur la nécessité d’établir des relations significatives avec les collectivités des Premières Nations et de se défaire de l’état d’esprit colonial, ce qui représente un défi pour les citoyens et citoyennes, les personnes nouvellement arrivées et les organismes d’établissement. M. Séguin exhorte le Canada à réévaluer ses interventions dans des enjeux mondiaux, comme le conflit israélo-palestinien, et à adopter une approche plus nuancée qui tient compte des complexités du colonialisme de peuplement et de son propre engagement envers l’autodétermination des peuples autochtones.
Dans le contexte des enjeux mondiaux, M. Séguin lance un appel à un examen critique des allégeances politiques et recommande vivement une application impartiale du droit international, dont le droit humanitaire international et le droit à l’autodétermination. Il souligne l’importance de s’allier aux populations marginalisées, comme le peuple palestinien, et laisse entendre que cette alliance nécessite un examen approfondi du rôle que joue le Canada dans la perpétuation ou l’atténuation des conflits mondiaux.
En conclusion, le point de vue de M. Séguin fait ressortir l’interdépendance des enjeux mondiaux et la nécessité pour le Canada, y compris les organismes gouvernementaux et les organismes d’établissement, d’affronter son passé colonial et d’adopter des approches plus nuancées à l’égard des conflits internationaux. Par une réflexion critique et des mesures concrètes, le Canada peut aspirer à un avenir caractérisé par la justice, l’équité et une véritable réconciliation.