Le présent blogue constitue le dernier volet de la série Membre en vedette du N4, qui met en lumière le travail diversifié des membres du Réseau et leurs riches expériences, partout au Canada.
Lorraine Thomas est directrice intérimaire, Inclusion, diversité, équité et accessibilité au Holland Bloorview Kids Rehabilitation Hospital à Toronto (Ontario), membre du réseau N4 et diplômée du Programme en ligne de navigation pour les nouveaux arrivants N4 de l’Université Saint Paul. Elle-même ancienne nouvelle arrivante, Lorraine avait immigré de Trinidad au Canada il y a plus de vingt ans pour poursuivre des études de maîtrise en communication à l’université de Windsor.
Dès le début de son mandat à Holland Bloorview, il y a 21 ans, Lorraine a adopté une approche axée sur la diversité, l’équité et l’inclusion dans le vaste domaine de la communication, avant même de pouvoir définir ces valeurs. « J’ai toujours été animée par l’envie de comprendre le contexte culturel dans les relations personnelles et professionnelles et la façon dont chacun s’exprime. Au demeurant, je m’identifie notamment comme une personne malentendante ou sourde. Par conséquent, le côté sensoriel de la communication et le cadrage du handicap et du capacitisme sont également des aspects à prendre en considération ».
Au fil des ans, devant la diversité croissante des familles accueillies au sein du Holland Bloorview, dont de nouveaux arrivants, Lorraine a pris conscience du rôle de la communication dans un contexte culturel, et de l’impact que cela peut avoir sur les soins aux patients. « J’ai d’abord travaillé dans le domaine des loisirs thérapeutiques, en tant que coordinatrice de programmes dans des environnements multisensoriels (EMS) ou des salles Snoezelen. Comme beaucoup de mes clients souffraient de troubles du langage, animer une session Snoezelen était une activité très intuitive : il s’agissait de prêter attention au langage corporel de l’utilisateur, de comprendre ce qu’il essaie de communiquer et de modifier son environnement en fonction de ses besoins. De plus, le concept de Snoezelen étant très occidental et européen, la communication autour de l’expérience de l’EMS doit être adaptée aux origines des familles accueillies. Compte tenu de leur contexte culturel, l’idée de pratiquer une activité de relaxation sensorielle peut sembler contraire à une intervention thérapeutique active ».
Grâce à cette expérience, Lorraine a développé une passion pour l’information en santé, et a occupé le poste de responsable de l’information en santé à l’hôpital Holland Bloorview pendant plus de dix ans. À ce titre, elle était chargée d’élaborer un cadre organisationnel pour produire des documents en langage clair qui soient accessibles aux clients et aux familles, et ce, avec l’aide de réviseurs formés pour les familles et les jeunes, recrutés dans le cadre du programme de leadership familial de l’hôpital. Selon Lorraine, ce travail a « permis d’amorcer une conversation réelle sur notre manière de parler aux familles et aux clients et de les impliquer, ainsi que sur l’importance de fournir des informations sur la santé d’une manière accessible à tous ».
Pour Lorraine, la pandémie de COVID-19 a attiré l’attention sur l’importance de l’information en santé de deux manières. Tout d’abord, les professionnels et les systèmes de santé ont mieux compris l’importance de trouver un moyen efficace de sensibiliser le public à sa propre santé. La pandémie a également permis de mieux comprendre que l’information en santé et la sensibilisation à l’équité sont étroitement liées et peuvent influer l’une sur l’autre.
Par ailleurs, Lorraine a pu constater de visu comment « la pandémie de COVID-19 a clairement distingué les nantis des démunis. Elle nous a tous poussés à redéfinir nos rôles, notamment du point de vue de l’équité en matière de santé ». Pour illustrer son propos, Lorraine cite l’inégalité numérique : à cause de la pandémie, de nombreuses séances individuelles avec les patients et les familles ont dû être remplacées par des séances virtuelles. Or, pour les familles qui n’ont pas accès à une connexion internet stable ou à un espace privé dans leur maison, cela représentait un obstacle. En outre, les échanges en personne permettent aux prestataires d’identifier plus facilement les cas dont la communication est perturbée par des barrières linguistiques, en utilisant le langage corporel ou les méthodes de communication physiques (par exemple, une approche d’enseignement bidirectionnel). Dans le cas des soins virtuels, cela est beaucoup plus difficile. Cela dit, Lorraine se souvient aussi de familles qui étaient soulagées par le passage aux soins virtuels, car cela réduisait les frais de garde d’enfants et de transport qu’elles devaient assurer pour se rendre aux ateliers.
En réponse à la nécessité de remédier aux inégalités dans le domaine de la santé, amplifiées par la pandémie, et qui relèvent du portefeuille IDEA (inclusion, diversité, équité, et accessibilité), Holland Bloorview a introduit un outil de dépistage des besoins sociaux à l’intention des cliniciens afin de leur permettre de mieux comprendre comment ils peuvent soutenir les familles. Cet outil de dix questions, adapté par Holland Bloorview avec l’autorisation d’un institut américain pour l’équité en matière de santé, a pour but d’aider les hôpitaux à mieux comprendre l’impact négatif des déterminants sociaux de la santé sur divers clients, familles et populations, notamment l’insécurité du logement, l’insécurité alimentaire et le manque de services de garde d’enfants.
L’outil de dépistage des besoins sociaux a été lancé en 2021. En novembre 2022, il a été étendu à 10 programmes cliniques hospitaliers et ambulatoires. Les familles qui se rendent à la clinique peuvent être orientées vers des services internes à l’hôpital (tels que le Fonds de soutien aux familles ou les services juridiques pro bono) ou vers des services communautaires pertinents. Parmi les familles examinées, 60 % ont signalé au moins un besoin socio-économique urgent et non satisfait, et 72 % ont estimé que leurs besoins non satisfaits étaient urgents.
Interrogée sur l’impact que sa participation au programme en ligne de navigation pour les nouveaux arrivants N4 de l’université Saint Paul a eu sur son travail au début de la pandémie de COVID-19 en 2020, Lorraine a répondu que le programme est arrivé au bon moment. « Le large éventail de cours théoriques, fondés sur l’éthique, la pratique réflexive et le mentorat m’a aidé à faire la synthèse de mes expériences professionnelles et vécues à ce point de l’histoire. Je suis bien consciente que le programme était axé sur le soutien aux nouveaux arrivants, mais il s’agissait aussi de confronter les préjugés personnels et de remettre en question les connaissances que l’on pouvait avoir en tant que professionnel de la santé. On croit faire ce qu’il faut, mais on s’aperçoit ensuite qu’on peut faire mieux ».